Serena Barbieri puise son inspiration dans l’architecture et la lumière des villes, notamment celles de Porto et de sa Toscane natale. Au travers de cette interview, Serena Barbieri se livre sur son travail, son parcours et ses inspirations pour nous offrir une lecture passionnante.

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L’ESSENCE, SA GENESE

✦ Quel est ton parcours et quel a été le déclic qui t’a amenée à l’art et à la création ?

J’aime toujours commencer en disant que la première étape de ma formation est scientifique. Même si j’ai toujours aimé le dessin et l’art, j’ai effectivement obtenu un diplôme en sciences biologiques, à Florence, et ce n’est que plus tard que je me suis donné l’opportunité de démarrer officiellement une carrière artistique. La meilleure surprise a été que toutes les connaissances que j’ai acquises dans le domaine scientifique ont ensuite été totalement intégrées dans ma pratique artistique. Pendant les années d’études artistiques, à Venise et après à Porto, je me suis concentrée beaucoup plus sur la production d’œuvres tridimensionnelles et d’installations. C’est juste après avoir fini mon parcours académique que la peinture et le dessin sont devenus mes moyens d’expression préférés. J’ai commencé à exprimer ce que j’aime et ressens en utilisant des formes géométriques et des couleurs douces. J’utilise des motifs géométriques faciles et accessibles, en recherchant continuellement des compositions harmonieuses qui évoquent une sensation de calme et de paix. Les mêmes sensations que je ressens lorsque je peins.

✦ Comment en es-tu venue à travailler cette technique ?

C’est probablement le besoin d’évoluer vers un moyen d’expression plus intime qui m’a orienté vers la peinture et le dessin. Je peins pour raconter et communiquer, pour exprimer une vitalité ou une manière d’être.

✦ Quel est ton processus de création ? Quels sont tes outils ?

Mon processus de création se caractérise par une très longue phase d’étude et de recherche sur papier. J’ai beaucoup de cahiers, blocs-notes, dessins et cartes disséminés dans l’atelier. Sur ces feuilles, je passe des heures à créer de nouvelles formes, compositions et combinaisons de nuances. Pas à pas, j’expérimente ce que j’ai découvert sur des feuilles de plus grand format ou sur de petites toiles. Ce n’est qu’après m’être familiarisée avec la nouvelle composition que j’attaque la toile, presque toujours de grand format. Les outils qui ne doivent jamais manquer sur mon poste de travail, en plus des pinceaux, sont une grande boussole et de longues règles. J’ai également un certain nombre de pots de pigments en poudre que j’aime mélanger pour créer mes propres couleurs et teintes. Et enfin, une série de pots contenant différentes poudres de pierre, sables, poudres de marbre. Des matériaux que j’achète directement à Florence, utilisés pour créer les textures de mes toiles.

✦ Quelles sont tes inspirations ?

Les couleurs que j’utilise sont les nuances rencontrées lors de promenades dans les rues de la ville, les murs, les façades des immeubles et les maisons. Elles varient en fonction des différentes villes, des moments de la journée et de l’atmosphère. Dernièrement, mes œuvres ont été influencées par l’Italie, la Toscane ma région d’origine, et la Méditerranée. J’essaie de m’en tenir à une palette assez organique et pastel. Les couleurs de la terre, des minéraux, mais aussi la lumière des paysages côtiers.

✦ Décris-nous ton atelier, quel est ton environnement de travail et dans quelles conditions aimes-tu créer ?

Mon atelier est situé en bordure du centre-ville de Porto et j’y travaille depuis 2017. C’est un environnement hybride de 100 mètres carrés où diverses techniques artistiques se rencontrent et interagissent. L’espace est un open space, partagé avec un autre artiste multidisciplinaire. Chacun a la possibilité soit de travailler dans son coin soit de partager opinions et idées à tout moment. Y règne une atmosphère de découverte, de recherche et de vivacité liées aux différentes techniques et défis qui se présentent dans les domaines de la peinture, du dessin, de la sculpture et de la céramique. Je le définirais comme un milieu poreux, vivant et accueillant.

✦ Quelle est ta journée type ?

Je me lève le matin vers 7h30, me prépare, prends un copieux petit-déjeuner et pars à l’atelier. Les premières heures de la journée sont les heures les plus précieuses pendant lesquelles je travaille mieux et j’ai le plus d’énergie. Je peux commencer de nouvelles toiles, continuer d’autres déjà avancées ou m’asseoir et commencer à faire des croquis. Dans l’atelier, nous sommes très méthodiques et disciplinés, et tous les deux très motivés. Puis petit à petit, au fil des heures, surtout à la fin de l’après-midi, mon attention commence à décliner.. Je commence à faire des erreurs. Je laisse tomber des outils ou j’utilise des couleurs qui n’ont rien à voir avec ce que je peins. Ce sont des signes qui me disent que je dois quitter l’atelier. À partir de 20h00 je vais à la piscine, pour faire de la natation. Enfin ensuite, je rentre à la maison et repos. Je vais à l’atelier tous les jours. il y a peu de moments où je prends des jours de congé, aussi parce que c’est toujours un plaisir pour moi d’aller à l’atelier.

✦ T’arrive-t-il de « rater » des œuvres ?

La toile vieillit, mûrit avec le temps, peut être créée d’un seul coup ou laissée en attente pendant des mois. Quand il s’avère qu’elle soit totalement ratée, on peut toujours la recouvrir de blanc et recommencer.

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SES INFLUENCES

✦ Quelle œuvre d’art choisirais-tu pour t’accompagner toute la vie ?

Il y a un objet que j’aimerais posséder et avoir avec moi tout au long de ma vie. C’est une chouette en céramique, ronde et émaillée jaune de Pablo Picasso. Ils l’ont appelée “Chouette ovoïde ». Je l’ai trouvée il y a quelques années au musée Picasso du château d’Antibes. Cela me procure un sentiment unique de tendresse et de sagesse ; un trésor précieux de petite taille dont il faut prendre soin, peut-être avec des pouvoirs magiques.

✦ Quelle est l’exposition, l’artiste ou l’œuvre qui t’a le plus émue ?

Il y a une œuvre en particulier devant laquelle je suis restée longtemps immobile et pour laquelle quelques larmes sont tombées de mes yeux. Il s’agit d’une “Annunciazione” crée par Beato Angelico (Fra Angelico en français). Cette fresque est située dans le couloir nord, au premièr étage du Musée du Couvent de San Marco à Florence. Réalisée en 1440, c’est à mon sens la version la plus belle et la plus harmonieuse jamais réalisée. Je la trouve simple et parfaite, à première vue comme beaucoup d’autres mais elle cache d’immenses détails de botanique et de textures. De plus, les couleurs et les nuances utilisées, désormais caractérisées par la patine du temps, sont exactement celles que je recherche aussi dans mes peintures. Douceur, calme, tranquillité et innocence dans une composition parfaitement équilibrée.

✦ Une pièce de mobilier design qui te fait rêver ?

Un pièce de design qui a été reproduite et transformée des milliers de fois, jusqu’à des versions très abordables. La célèbre Bankers Lamp créée en 1909 par Harrison D. Mc Faddin. Elle a une base en laiton ou plaquée laiton, surélevée d’un abat-jour en verre vert sur boîtier blanc. En l’allumant, un cône de lumière défini se forme et éclaire les feuilles et documents posés sur le bureau. Tout autour reste sombre. J’adorerais pouvoir créer mes croquis et dessins sous la lumière de cette lampe.

✦ Un endroit qui t’inspire et te ressource ?

Il y en a deux. Les montagnes des Apennins, qui entourent la vallée du Mugello, ou j’ai grandi. Elles entourent doucement cette belle campagne autour de Florence, dont les rues ont été traversées par les Médicis, mais aussi par Giotto, Cimabue et Fra Angelico. Je considère ces bois et ces paysages comme sacrés. C’est là que je retrouve et mémorise les couleurs pastel calmes des maisons, les murs champêtres, les rues blanches accompagnées des cyprès, le ciel, et tout est harmonieux. Chaque fois que je rentre chez moi pour rendre visite à ma famille, je remplis mes yeux de cette vue. La seconde est certainement l’île d’Elbe. J’y vais en vacances depuis plusieurs années. C’est là que je capture avec mes yeux les tons de terre, de pierre et de fer. Les nuances minérales mais aussi la lumière de la Méditerranée.

✦ Une couleur de prédilection ?

Aujourd’hui je dirais que c’est un ocre clair, un peu transparent et aux reflets dorés.

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LAST BUT NOT LEAST !

✦ Avec ton expérience du monde de l’art, que dirais-tu à un artiste qui se lance aujourd’hui ?

Je dirais de s’entourer absolument de personnes sérieuses avec la même motivation et la même énergie. De plus, travailler dur, assidûment, faire de nombreuses expériences avec les matériaux, presque une indigestion de pratique et de tests. Atteindre une bonne quantité d’œuvres finies avant de faire toute proposition.

✦ Des projets à venir ?

Pour l’avenir, j’aimerais consacrer plus de temps à la création de nouvelles fresques murales. En septembre, j’ai eu l’opportunité de créer ma première œuvre murale. Le service culturel de la municipalité de Porto m’a invitée à participer à un projet d’art public. C’était la première fois que je faisais face à un immense mur, j’ai dû réajuster mes techniques de peinture et j’ai adoré l’expérience. L’effet des couleurs appliquées sur l’enduit est magnifique, il semble vraiment se rapprocher de l’effet patiné des fresques anciennes et les nuances sont douces.

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