Delphine Lamarque, née à Bordeaux en 1983, est une artiste pluridisciplinaire française qui vit et travaille à Seignosse, dans le sud-ouest de la France. Elle choisit comme médium la toile de tente des années 70, symbole d’indépendance et de liberté. Elle perçoit ces toiles, marquées par les traces du temps et dont les coutures dissimulent des zones restées intactes comme une métaphore de notre existence.
L’ESSENCE, SA GENESE
✦ Quel est ton parcours et quel a été le déclic qui t’a amenée à l’art et à la création ?
Je dessine depuis toujours, et c’est en tombant sur un numéro “Vogue Collections” spécial Jean Paul Gaultier que j’ai compris que l’on pouvait tout oser en tant qu’artiste.
Diplômée du Studio Berçot, j’ai naturellement ancré mon parcours dans le textile, un médium qui me permet d’explorer la matière, sa mémoire, son histoire.
Mon identité artistique s’est construite au fil d’expériences multiples : ensemblier dans le cinéma, création de boutiques de seconde main, ligne de bijoux tissés sous ma marque éponyme.
Au fil du temps, le réemploi est devenu pour moi un geste à la fois artistique et profondément engagé.
✦ Comment en es-tu venu à travailler cette technique ?
En 2022, après la crise sanitaire, j’ai ressenti le besoin de me recentrer sur un projet plus intime, une forme d’exploration plastique liée à mon histoire personnelle.
Après des mois de recherches, d’essais de matériaux et de techniques, je suis tombée sur une vieille toile de tente canadienne ayant appartenu à mes parents.
Ce retour à la matière, ces couleurs, cette odeur, cette texture des toiles des années 70 a été un véritable déclic. Ces tissus, symboles d’indépendance et de liberté, sont devenus pour moi le médium idéal après cette période d’enfermement.
✦ Quel est ton processus de création ? Quels sont tes outils ?
La matière guide mon travail. Ce sont souvent les particularités mêmes des toiles, leurs usures, leurs découpes, qui orientent mes gestes et suggèrent des formes.
Je travaille au mur pour les compositions abstraites, et à plat, en patronage, pour les pièces plus figuratives.
Mes outils : une paire de bons ciseaux, des épingles, une équerre, et ma fidèle machine à coudre Singer « Heavy Duty », simple, robuste, la meilleure !
✦ Quelles sont tes inspirations ?
L’architecture sous toutes ses formes, et l’esthétique des années 70 et 80, qui me replonge en enfance.
✦ Décris-nous ton atelier, quel est ton environnement de travail et dans quelles conditions aimes-tu créer ?
J’ai la chance d’avoir un grand atelier de 140 m², situé dans une zone très vivante d’Hossegor mais au calme, dans un petit regroupement d’ateliers, avec une jolie vue sur les pins.
L’espace évolue avec mes créations, et inversement : ils se façonnent ensemble.
J’y passe beaucoup de temps, jusque tard dans la nuit. J’aime être dans ma bulle.
✦ Quelle est ta journée type ?
Je n’ai pas vraiment de routine. Je fonctionne beaucoup à l’intuition et à l’envie.
J’ai compris qu’il ne fallait pas forcer, que l’élan créatif vient quand il est prêt. Et c’est là que je suis la plus efficace.
✦ T’arrive-t-il de « rater » des œuvres ?
Oui, bien sûr ! Et souvent, je réutilise ces toiles pour d’autres projets. Rien ne se perd, tout se transforme.
SES INFLUENCES
✦ Quelle œuvre d’art choisirais-tu pour t’accompagner toute la vie ?
Une toile de Sterling Ruby. Son travail de peintures/collages et son univers punk et coloré me fascine.
✦ Quelle est l’exposition, artiste ou œuvre qui t’a le plus émue ?
La première fois que j’ai vu les œuvres d’El Anatsui, au musée Guggenheim de Bilbao. Ses immenses installations tissées à partir de matériaux recyclés sont à couper le souffle.
✦ Une pièce de mobilier design qui te fait rêver ?
Un canapé modulable Terrazza en vert olive De Sede pour mettre en plein milieu de mon atelier !
✦ Un endroit qui t’inspire et te ressource ?
La forêt, à deux cents mètres de ma maison. Quand je bloque ou que je me sens tendue, je pars marcher sous les pins avec mon chien. Ça me recentre.
✦ Une couleur de prédilection ?
Ayant grandit près de l’océan, le bleu, depuis toujours.
LAST BUT NOT LEAST !
✦ Avec ton expérience du monde de l’art, que dirais-tu à un artiste qui se lance aujourd’hui ?
Être soi-même, avant tout. C’est loin d’être simple, mais c’est essentiel.
Ne pas se mentir et oser se dévoiler, c’est ça qui donne de la force à une œuvre.
Je travaille moi même encore dessus.
✦ Des projets à venir ?
Continuer à explorer ce lien entre mon histoire et ce matériau. Peut-être de manière plus intuitive, en allant vers une abstraction plus libre.
