Julia A. Etedi est une artiste franco-hongroise qui vit et travaille à Paris. Depuis l’enfance, elle évolue dans un univers imprégné de création, marqué par la présence artistique de ses parents — une mère peintre et un père photographe — et les multiples langages visuels qui rythment son quotidien. Cette double origine culturelle nourrit une perception synesthésique du monde, où les gestes, les couleurs et les formes dialoguent comme une partition sensible. Son travail s’inspire profondément des mouvements du vivant, des rythmes naturels et des éléments insaisissables de la nature — la lumière changeante, le vent, les ondulations d’un lac — qu’elle traduit en paysages abstraits, vibratoires et sensoriels.

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L’ESSENCE, SA GENESE

✦ Quel est ton parcours et quel a été le déclic qui t’a amenée à l’art et à la création ?

Mes deux parents étaient artistes — ma mère peintre et mon père photographe. J’ai donc baigné depuis ma plus tendre enfance dans un univers très créatif.  Nous vivions dans un atelier logement où les chevalets, les lumières et le matériel photographique faisaient parti du décor. Il y avait toujours une toile en train de sécher ou un tirage suspendu entre deux portes. C’était notre quotidien.

Je me souviens de mes mercredis passés dans les ateliers des amis de mes parents. Là-bas, je m’essayais à la gravure, à la lithographie, sans vraiment me rendre compte de la chance que j’avais. À six ans, j’avais déjà une “production” qui débordait des tiroirs.

Mais le vrai déclic, celui qui m’a fait comprendre que je ne pourrais jamais vivre sans créer, c’est venu plus tard. Quand j’ai commencé à m’éloigner de l’art, pour explorer d’autres univers — la mode, la communication, le théâtre — j’ai senti un manque viscéral. Une forme d’appel intérieur.

Alors j’ai replongé. Mais cette fois avec conscience.

Aujourd’hui, je dirais que la création est mon langage. Mon refuge. Mon territoire d’exploration. Un espace où je transforme le chaos en poésie, le silence en mouvement, et les émotions en matière.

✦ Quel médium t’inspire le plus ?

Le papier fait main est un médium qui éveille instantanément mes émotions. Son odeur, sa texture, ses nuances et même ses imperfections créent une expérience sensorielle. C’est une relation sensuelle où je le touche, le déchire, le recouvre, le met en lumière, le gratte, l’abîme, l’use ou le protège. Tout cela devient une métaphore des expériences de la vie. En le façonnant, j’atteins un équilibre, une résonance avec mon histoire.
Le papier est intimement lié à la nature, à la fois résistant et fragile. Sa dualité me touche profondément et résonne en moi. C’est un médium qui parle, transmet, raconte, dessine, écrit… Tendu, froissé, immaculé ou taché, il porte en lui quelque chose, révélant une émotion, un message, un geste, une intention. Pour moi, il devient l’outil qui structure mon travail, le point de départ de chaque œuvre.

✦ Comment en es-tu venue à travailler cette technique ?

J’ai toujours créé — avec ce que j’avais sous la main. Papier, fil de fer, encre, bois flotté… Enfant, je dessinais des constellations imaginaires, j’inventais des volumes, je cherchais à capter le mouvement plus que la forme.

Puis est venu le temps des voyages. Légèreté oblige, c’est la photographie qui m’a accompagnée : plus spontanée, plus mobile. J’ai photographié des visages, des lumières, des silences… jusqu’à exposer certaines de mes impressions sur du marbre, un contraste que j’adorais : figer l’éphémère sur un support éternel.

Mais c’est la maternité qui a tout fait basculer. Après la naissance de ma première fille, quand j’ai eu 27 ans, j’ai ressenti un besoin viscéral de revenir au contact direct avec la matière. Mes mains voulaient parler.

Alors j’ai repris les pinceaux.
Je me suis plongée dans les pigments comme on replonge dans un rêve ancien. J’ai redécouvert le rythme lent de la superposition, la danse des transparences, le dialogue entre l’eau, la toile, et l’intuition.

Depuis, je travaille avec des matériaux qui m’habitent : pigments dilués, pastels gras, encre, toile brute… Des médiums souples, mouvants, qui épousent mes gestes et laissent place à l’imprévisible.

Ma technique, c’est l’écoute. Écouter ce qui m’entoure et le transposer sur la toile. Une conversation silencieuse avec la matière.

✦ Quel est ton processus de création ? Quels sont tes outils ?

Depuis que je suis devenue maman, ma pratique s’est ancrée dans un rythme presque ritualisé.
Je convoque l’inspiration. Chaque jour, je me rends à l’atelier comme on entre en méditation, avec l’intention de créer, quoi qu’il arrive.

La créativité, je la vois comme un muscle : plus on la stimule, plus elle se rend disponible. Cette régularité et cette discipline, loin de m’enfermer, me libèrent. C’est dans ce cadre choisi que l’intuition circule le mieux.

Quant à mes outils, ils varient selon les besoins du moment.
Des pinceaux, bien sûr — des fins, des larges, parfois usés, parfois neufs. Des rouleaux aussi, pour les gestes plus amples. J’utilise des pigments purs que je mélange moi-même, des encres, des peintures vinyliques et acryliques, et des pastels gras pour enrichir les textures.

La toile est souvent posée au sol. J’aime cette position qui me connecte au corps, au mouvement.

✦  Quelles sont tes inspirations ?

Mes plus grandes inspirations viennent des mouvements du vivant — ceux que la nature orchestre sans effort, et qui nous bouleversent sans prévenir. Une lumière d’automne qui caresse un mur. Le vent qui fait frissonner la surface d’un lac. Le ballet silencieux d’une feuille qui se détache, suspendue dans l’air avant de rejoindre le sol.

Je ne cherche pas à représenter ces scènes, mais à en capter l’écho sensoriel, à en traduire l’émotion en gestes, en matière, en vibration.

Curieusement, je puise aussi mon inspiration dans des domaines très éloignés de l’art : je suis fascinée par la médecine, notamment les médecines dites “alternatives” comme l’ayurveda, qui propose une lecture subtile du lien entre le corps, l’énergie et les émotions.

J’écoute des podcasts sur la géopolitique, la finance, la médecine… parce que ces univers me déplacent, et parce que j’aime apprendre.

Et je marche. Beaucoup. Par tous les temps. Sans destination précise. C’est là que mes idées s’alignent, que mes pensées trouvent leur rythme.

Je me nourris aussi de l’inattendu : une nouvelle expérience, un lieu inconnu, une conversation improbable. Ce sont souvent ces petites secousses qui réveillent mes envies de création.

✦ Décris-nous ton atelier, quel est ton environnement de travail et dans quelles conditions aimes-tu créer ?

Mon atelier est baigné de lumière naturelle — c’est essentiel pour moi.
La lumière inspire les couleurs, les énergies, l’intensité des gestes. Quand elle change, ma peinture change avec elle.

C’est un lieu calme, presque silencieux, où chaque objet a trouvé sa place. Un espace qui respire, et qui m’invite à ralentir, à écouter.

Mais je ne suis pas une artiste d’atelier uniquement.
J’aime peindre en plein air, en immersion totale, au bord d’une falaise, dans une forêt de pins, ou face à l’océan. J’aime créer avec le vent dans les cheveux, la brume sur la peau, le sable qui s’invite parfois sur la toile.

Ce que je cherche, ce n’est pas un confort de création, mais une connexion sensorielle. Faire corps avec l’instant, laisser les éléments influencer l’œuvre.

Chaque lieu, chaque condition météo devient une co-auteure silencieuse de mon processus. Et c’est souvent dans ces instants-là, un peu sauvages, que la magie opère.

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SES INFLUENCES

✦ Quelle œuvre d’art choisirais-tu pour t’accompagner toute la vie ?

Une œuvre de Joan Mitchell — pour son intensité vibrante et ses paysages intérieurs qui résonnent profondément.

✦ Quelle est l’exposition, l’artiste ou l’œuvre qui t’a le plus émue ?

Un spectacle de Pina Bausch. Sa façon de faire danser les émotions m’a bouleversée.

✦ Une pièce de mobilier design qui te fait rêver ?

Une lampe-sculpture de Noguchi.

✦ Un endroit qui t’inspire et te ressource ?

Le lac Léman, lové entre les montagnes. J’y retrouve la paix et la verticalité.

✦ Une couleur de prédilection ?

Le pourpre — dense, mystérieux, vibrant. Une couleur qui traverse les émotions.

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LAST BUT NOT LEAST !

✦  Quelle est ta journée type ?

Je crois que si j’avais une journée type, je me serais lassée depuis longtemps.

Ce que j’aime dans ce métier, c’est justement sa nature multiple, mouvante, imprévisible.

Il y a les journées de peinture, où je suis dans ma bulle, en atelier ou en extérieur, absorbée par la matière, les gestes, le silence.

Il y a les journées administratives, plus terre-à-terre : répondre aux mails, gérer la compta, faire les factures… moins poétiques, mais tout aussi nécessaires.

Et puis les journées “communication”, où je photographie mes œuvres, j’écris, je prépare des publications, des vidéos… C’est un autre langage, une autre énergie.

Et entre tout ça : la vie.
Les imprévus. Les rendez-vous. Les enfants. Un café oublié qui refroidit sur la table.

Finalement, ma journée type, c’est un équilibre mouvant entre la création et l’organisation, entre le souffle artistique et la réalité du quotidien.
Et c’est justement ce déséquilibre-là qui me nourrit.

✦ Avec ton expérience du monde de l’art, que dirais-tu à un artiste qui se lance aujourd’hui ?

Sois persévérant, même les jours où rien ne fonctionne. Et n’oublie jamais pourquoi tu as choisi ce chemin.

✦ T’arrive-t-il de « rater » des œuvres ?

Bien sûr et cela fait partie du processus, tout comme respirer fait partie du mouvement ! Il y a des jours où ce que je vois sur la toile ne ressemble en rien à ce que j’ai ressenti en le peignant. Et ce décalage peut être frustrant… mais il est aussi extrêmement formateur.

Parfois, l’œuvre me résiste. Elle m’échappe. Elle se dérobe. Et puis, d’autres fois, un accident ouvre une voie inattendue, une texture nouvelle, une forme que je n’avais pas prévue — mais qui dit finalement bien mieux ce que je voulais exprimer.

J’ai appris à ne plus jeter trop vite. À laisser reposer. À revenir plus tard. Certaines toiles que je pensais “ratées” ont fini par devenir des pièces fortes, une fois retravaillées.

✦ Des projets à venir ?

Je développe un projet de fresques murales en céramique, réalisées en terre papier. J’aimerais collaborer avec des architectes pour intégrer ces pièces dans des lieux de vie, boutiques ou hôtels.
En décembre, j’aurai aussi le plaisir d’exposer une nouvelle série au Château Saint Maur, dans un cadre sublime.

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